Témoignage d'un docteur agrégé, alumni de la préparation: Mathieu

Publié le 19 Mai 2014

Mathieu (promo 2008, secteur C) est agrégé depuis 2008 et docteur depuis 2013. Il nous livre quelques réflexions sur son expérience dans la préparation à l'agrégation et sur sa vie de jeune docteur agrégé, aujourd'hui en poste à l'Ecole Normale Supérieure de Paris. Beaucoup de vécus et de conseils qu'il nous fait partager pour mieux envisager la préparation à l'agrégation et plus particulièrement à Bordeaux. Merci à toi et bonne continuation !

Quel cursus as-tu suivi ?

J'ai préparé une Licence en sciences de la Vie et de la Terre à l'université de Pau. Ensuite, j'ai suivi un master de biologie et géologie générale à l'université de Bordeaux, qui à l'époque anticipait l'année de préparation aux concours. Cette formation préparait déjà bien aux écrits, ce qui m'avait permis d'être auditionné au CAPES avant même d'avoir effectué l'année de préparation. Cela m'a encouragé à passer l'agrégation l'année d'après.

Pourquoi as-tu fait le choix de la préparation à l'agrégation de Bordeaux ? Quels ont été les critères déterminants ?

Je suis arrivé à Bordeaux un peu par hasard, simplement car l'université me permettait de rester dans une région à laquelle je suis très attaché. La question serait plutôt : pourquoi y être resté préparer l'agrégation? Il est difficile de dire pourquoi je me sentais bien à l'université de Bordeaux, le fait est que je m'y sentais chez moi et que je n'y subissais aucun frein à l'épanouissement de ma curiosité scientifique. Je me souviens de l'enthousiasme que j'avais à suivre les cours d'Anne Bertrand, Pascal Lecroart, Jean Luc Schneider, Bruno Malaizé (et la liste est encore longue) qui ont été de vrais piliers dans la construction de ma personnalité scientifique et de mes recherches ultérieures. J'y ai aussi rencontré des amitiés rares, jamais démenties par la suite. La façon dont la vie s'organisait à la prépa a favorisé ces liens. La préparation affichait aussi de nombreux stages de terrain, sur les turbidites de la Baie de Loya, le Cantal, les Pyrénées (qui étaient à l'époque encore au programme du concours). Autant de beaux souvenirs restés gravés dans ma mémoire.

Quels sont les points forts de la préparation qui t'ont particulièrement marqué ?

L'accessibilité et la disponibilité des enseignants, qui respectent profondément les étudiants qui s'engagent dans les formations de l'enseignement, et sont très dévoués, là où d'autres équipes enseignantes pourraient prendre de haut une formation non destinée à la recherche et chronophage en termes de temps de préparation des cours. Le soutien des enseignants dans les dernières semaines de l'année de prépa, durant laquelle je donnais à de nombreux enseignants chaque jour des plans de leçon à corriger, a été absolument déterminant dans ma réussite. Les conseils de la direction de la prépa ont toujours été très pertinents pour la construction de mon esprit de synthèse, et m'ont évité bien des fois de me disperser inutilement. L'année de préparation à l'agrégation est en effet une année durant laquelle il faut gérer ses efforts afin de pouvoir donner le meilleur de soi-même.

Ayant suivi le parcours "secteur C-géologie", j'ai eu la chance de pouvoir bénéficier de conférences hebdomadaires, donnant le regard d'un chercheur sur un des points clefs du programme de l'agrégation. Parmi les cours les plus mythiques, je me souviens de celui de Michel Faure sur la chaîne hercynienne, dont il nous avait reconstitué l'histoire seulement à partir de la carte de France au millionième. D'excellentes interventions de paléoclimatologie, sur lesquelles je travaille encore plusieurs années après. Ces cours m'ont réellement ouvert l'esprit, à un point que je ne réalise qu'à présent : alors totalement ignare sur les domaines de la paléoclimatologie, une grande partie de mes recherches actuelles portent sur ce thème!

Il y avait aussi la possibilité de participer à des séminaires de recherche recommandés par la direction de la prépa, et des stages d'école doctorale. C'était génial..pour ceux que l'anglais ne rebute pas.

Quelles étaient les conditions de travail ? Comment as-tu géré le travail en prépa ?

Excellentes. Je me souviens de la réunion de rentrée où P. Lecroart annonçait qu'il espérait avoir fait du mieux pour que nous puissions nous concentrer sur l'agrégation et elle seule, considérant que le concours est suffisamment difficile pour que tout désagrément soit épargné aux étudiants. Et cela a bien été le cas tout au long de cette année.

Comment était l'ambiance au sein de la promo ?

Excellente dans l'ensemble, pour ma part j'ai bien rigolé toute l'année (à part la dernière semaine où je flippais totalement mais j'imagine que c'est normal). De très bonnes conversations scientifiques : j'ai appris autant de mes camarades que des enseignants cette année-là. Et puis la promo était une équipe : pas d'esprit de compét entre nous, mais contre les autres prépas.

As-tu des conseils de méthode à fournir aux étudiants de la prépa ? Un conseil particulier à donner pour les épreuves ?

Dans le Gai Savoir, Nietzsche écrit que la condition première de la connaissance est de penser contre soi-même. Autrement dit, être conscient de ses faiblesses, de ses lacunes, de ses mauvaises habitudes, de ses problèmes de raisonnement, et tout faire pour les pallier au plus vite au lieu de s'y enfermer. Il n'y a pas le temps de combler des lacunes dans le mois de révision précédant les écrits.

Chacun a ses propres faiblesses ; pour moi c'était l'oral, j'avais du mal à gérer mon souffle, ce qui me faisait paniquer et nuisait à la compréhension de mes exposés. J'ai tout de suite pris le taureau par les cornes, en préparant mes premières leçons en seulement trois heures, en me détachant de tout texte à part les ordres de grandeurs nécessaires aux leçons, et quelques définitions ou équations clefs. Beaucoup s'appuyer sur les documents lors des leçons, il vaut mieux lire un beau document bien préparé, bien dessiné, qu'une tartine de texte paraphrasée d'un bouquin à toute vitesse. Ne pas oublier les questions de premier ordre, ne pas essayer d'en mettre "plein la vue" au jury en s'étendant sur des détails de spécialiste.

Il s'agit d'un concours qui évalue les capacités de synthèse; le meilleur moyen de réaliser ce qui est vraiment important est de discuter en permanence avec ses camarades (lors de repas conviviaux au RU) et d'identifier ce qui revient toujours dans les conversations. Lire la presse de type La Recherche ou Pour la Science; souvent très didactique et un peu moins austère que certains gros pavés. Aller sur le site Planet Terre de l'ens de Lyon avant de s'engouffrer dans un bouquin de mille pages.

Pour l'écrit, identifier des exemples clefs qui servent à illustrer plusieurs sujets différents. Par exemple, la crise messinienne en Méditerannée permet d'illustrer à la fois le cas d'une variation du niveau marin extrême, de discuter des évaporites, de la tectonique gravitaire sur les marges, de paléoenvironnements...etc

Au cours de l'année de prépa, sur quels points penses-tu avoir le plus évolué ?

L'oral, j'étais une vraie brêle au départ. La biologie animale et les dissections...même si je suis quand même resté une brêle au final!

Quelle(s) affectation(s) as-tu obtenu ?

J'ai effectué une thèse de doctorat en géosciences marines à l'Ecole Normale Supérieure de Paris, en partenariat avec l'université Pierre et Marie Curie où je dispensais des enseignements en licence et prépa capes/agreg. Je suis actuellement agrégé préparateur (comprendre agrégé-chercheur) à l'Ecole Normale Supérieure, dans le département de géologie. Un très grand privilège, avec des élèves et une équipe de recherche incroyables ; malheureusement ce genre d'affectation ne peut être que temporaire. J'envisage actuellement de poursuivre ma carrière à l'étranger.

Comment se passe aujourd'hui ta vie de professeur agrégé ?

Parfaite avec les étudiants.

Qu'est-ce que l'agrégation t'a apporté dans ton métier ?

Concernant l'enseignement, ma plus grande fierté est de pouvoir participer aujourd'hui, à mon tour, à la formation des étudiants en prépa agrégation, à l'université d'Orsay.

Concernant la recherche, une curiosité et un esprit de synthèse très affûtés, qui m'ont permis de mener des recherches pluri-thématiques et d'exploiter des jeux de données très riches. Travaux qui me permettent aujourd'hui de participer à des campagnes océanographiques internationales dans l'océan Indien, probablement ma plus grande fierté professionnelle avec l'agrégation. L'essentiel de mes travaux de recherche se base sur mes acquis hérités de la prépa agrég de Bordeaux. Il y a toutefois un inconvénient à cela : être capable de traiter des thèmes de recherche très différents est parfois perçu comme de l'ambition carriériste dans le milieu de la recherche, là où l'intention est seulement de bien faire et d'apporter de belles contributions scientifiques. Pas toujours évident de se faire comprendre... Mais l'essentiel reste de faire avancer la recherche, et l'agrégation, dans le domaine des Sciences de la Terre, a été pour moi un avantage indéniable.

Rédigé par Anne-Sophie Krémeur

Publié dans #Alumni

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